Salut les bourrins.

Je pense que vous l’avez compris depuis le temps, ici on aime VRAIMENT le catch nippon.

Même si cette culture du catch n’est pas la plus exposée sur not’ bon vieux continent, son histoire est incroyablement passionnante et a un passé (et un présent) aussi riche et varié que le catch occidental. Plus que de simples pratiquants, les japonais ont développé leurs propres style au travers des années dont un des plus notables aujourd’hui: le strong style.

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Karl Gotch et Antonio « The Chin » Inoki

Rencontre improbable entre la philosophie d’un catcheur belgo-allemand et le bushido japonais, le strong style, c’est peut-être la forme la plus pure de l’exercice parce qu’il est né de combattants traditionnels et renoue avec les origines du sport. Même venant de milieux d’arts martiaux « réels«  comme la lutte greco-romaine, ces mecs la ont compris que le combat n’était pas forcément qu’une opposition mortelle, c’est aussi quelque chose qu’on peut montrer au travers de l’art foutrement viril qu’est le catch.

Le strong style a vu de nombreux noms sous sa bannière comme les légendaires Keiji Mutoh, Inoki, Minoru Suzuki, Shinsuke Nakamura, Shinya Hashimoto (avec ses kicks de déglingos), KENTA, et j’en passe.

Techniques de striking et de grappling réelles, coup portés avec intensités, le strong style marie le spectacle, le combat, l’abnégation, le courage… et le pain dans la gueule sans trop se défendre.

Une « voie » du catch trop extrême ?

Encore pratiqué aujourd’hui, le style s’est dernièrement illustré par un fait divers tragique : Katsuyori Shibata, le botteur de cul attitré de la NJPW, a dû raccrocher définitivement les bottes suite à son match contre Kazuchika Okada pour le titre IWGP Heavyweight. Le chant du cygne pour Shibata. Malgré les blessures, son match lui a valu la prestigieuse note de 5 stars par Dave Meltzer.

Une place dans la grande histoire du catch avec ce 5 stars mais un destin brisé pour celui qui commençait à regagner la sympathie des fans hardcore de la NJPW et des nouveaux fans occidentaux, attirés par l’intensité et la violence du plus beau représentant du strong style actuel.

Pourquoi blessé ? Lors de son match avec Okada, Shibata s’est emporté et a balancé un véritable coup de boule à son adversaire après 30 minutes de combat acharné.

Certainement une des images les plus marquantes de ces dernières années mais à quel prix. Shibata s’est vu être conduit à l’hôpital pour des complications très importantes et aurait eu un pronostic vital engagé. Impensable pour la plupart des spectateurs de la NJPW tant la vie de Shibata a été parsemé par une violence similaire. Même Dave Meltzer, l’éminent journaliste, pensait que cette blessure était un « work », un angle pour une histoire prochaine.

On peut pas spécialement lui en vouloir parce que Shibata c’est vraiment le prototype du mec dur au mal qui en a vu. Ancien pratiquant de MMA (avec certes un record pourri de 4-11), « The Wrestler » a vécu de véritables guerres dans le ring, comme son match contre Tomohiro Ishii que l’on avait mis sur notre liste des « 5 matchs de catch que tu dois voir avant de crever comme une merde« . Inoxydable depuis quelques années (jusqu’à catcher avec une épaule en compote), Shibata a finalement montré qu’il était humain, victime peut-être de sa propre philosophie de catch, le strong style.

Quand on veut apprendre des choses niveau catch ici, on demande à Pierre « Booster » Fontaine, le padre du catch français, le type qui a forgé de ses mains les meilleurs catcheurs français de ces dernières années tournant partout en Europe. Que pense-t-il du strong style ?

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Crédits photo: PikaGreg Photography (le talentueux !)

Booster : « Il requiert de vraies compétences pour être exécuté de façon crédible et safe. Le nombre de crétins qui frappent comme des sonneurs en pensant être « strong style » alors qu’ils font juste n’importe quoi est assez inquiétant. Faire du strong style demande d’énormes qualités de striker et des capacités physiques hors normes, notamment en ce qui concerne la souplesse et la maîtrise du corps. 99% des workers devraient laisser aux 1% qui ont de réelles qualités pour catcher dans ce style là. »

Un style pour une certaine forme d’élite de la discipline, mais du coup même les élites arrivent à se blesser gravement en le pratiquant. Est-ce que ce ne serait pas finalement un style « pour les fous » ?

Booster : « C’est un travail d’orfèvre. A très haut niveau c’est une forme d’art. D’où la nécessité de ne pas s’y frotter quand on n’a pas les capacités pour. Ça n’est pas « fou », c’est extrêmement exigeant : ça n’est pas la même chose. Les prises de risques font que tu es perpétuellement sur le fil du rasoir. »

Un travail d’équilibriste qui aura eu une fin tragique pour Shibata. Il rejoint la longue liste des catcheurs blessés par la pratique de leur art, sujet encore vivace dans le catch avec des personnalités de la discipline comme Daniel Bryan, mis à la retraite forcée suite à de trop nombreuses commotions cérébrales (les fameuses « concussions » dans les sports américains), mais déclarant clairement qu’il souhaitait recatcher de nouveau. Felix Gouty, journaliste scientifique et fan de catch, connu et respecté dans la catchosphère francophone, s’est d’ailleurs penché sur le phénomène si vous souhaitez en apprendre d’avantage (ici).

Que devient Shibata aujourd’hui ? Après des semaines d’incertitudes autour de sa santé, le catcheur a battu les pronostics autour de sa condition physique et a su retrouver un confort de vie normal. Son apparition à la finale du prestigieux tournoi G1 Climax a été vécu comme un sentiment doux amer pour la majorité des spectateurs de la NJPW.

Moment très émouvant pour ceux qui ont suivi et apprécier l’artiste. Certes, le bonhomme à l’air en bonne forme mais il ne fera plus trembler les cordes des rings et les slips des catcheurs trop timorés. On est tout de même heureux de savoir que le gars est dans la capacité physique d’aller se taper des binouzes avec ses potes genre Tanahashi, le John Cena japonais mais avec du talent.

Est-ce que le strong style malgré tout ne serait pas l’avenir du catch ? Dans un monde où la MMA est devenue mainstream (avec des figures mondialement connues comme Conor McGregor et Ronda Rousey) et les techniques de combats connues du très grand public, le catch de demain pourrait prendre la forme du strong style, avec des athlètes venant comme Nakamura ou Shibata de la MMA, et pourrait surement faire parti des discussions sans pour autant être l’objet de quolibets. Un catch du futur qui n’oublierait pas la partie spectacle sans négliger constamment la performance sportive dans un ring.

Un petit pas s’est déjà effectué au sein des fans de catch actuels. De plus en plus regardé et apprécier, le catch japonais inspire de nombreux pratiquants à travers le monde pour son authenticité et son intensité, loin des matchs à gimmicks et interruptions superflues comme ceux de la WWE, ou la part belle est donnée aux storylines sans fins et sans intérêts, gâchant les matchs sans pour autant performer dans le ring.

Même s’il ne faut pas négliger que la passion du catch se créé dès l’enfance (et que ces derniers méritent donc un programme), il ne faut pas oublier ceux qui ont déjà bien grandi et sont toujours fans méritent également des programmes où l’on insulte pas leur intelligence et leur soif de performances. Même si je suis contre l’ignominie que représente la WWE, il faut reconnaître que NXT a parfaitement compris cette idée.

Une chose est sure, sur le CDB, on attend la transition comme ça :

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A bientôt les bourrins.

Publié par Hooligan Sensible

Rédac-chef de ce bordel.

Un commentaire

  1. […] qui imposent le respect. On a parlé plusieurs fois avec Booster, padre du catch game français, qui nous a même parfois fait des hot tags quand on voulait comprendre des trucs dans le catch, mais on a jamais encore eu l’occasion de présenter la personne avec qui il a dominé le Tag […]

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